MEDECINE ET ROBOTIQUE

MEDECINE ET ROBOTIQUE

CHRONIQUE D'UNE REVOLUTION TECHNOLOGIQUE ANNONCEE - NUMERO 1

Les « nouvelles technologies » ne sont pas encore ancrées dans la recherche médicale. C'est la première constatation à l’examen des publications des cinq premières revues médicales mondiales en ce début d’année 2018. En comparaison du volume publié, peu d'articles ont abordé les sujets technologiques. De surcroît, la plupart ne sont pas des études cliniques mais de brefs commentaires d’ordre général évoquant la transformation de la médecine. 

Est-ce à dire que les médecins sont en retard ? Pas nécessairement. A ce jour, l'apport réel des technologies issues des mathématiques appliquées est modeste pour la médecine. Elles ne semblent pas prêtes à supplanter la biologie qui reste encore, et pour longtemps, le socle de la pratique médicale. 

 

Que retenir des publications de ces trois derniers mois? Parmi les 5 revues observées, nous avons retenu des articles de 4 d’entre elles seulement, New England Journal of Medicine, JAMA, Lancet et British Medical Journal. Les Annals of Internals Medicine semblent moins investies dans les sujets technologiques. 

 

LES INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES

Plusieurs innovations sont mises en avant. Compte-tenu de l’influence de ces revues dans le monde médical, il n’est pas inintéressant de relever celles qui ont attiré leur attention. Les dispositifs populaires de demain s'y trouvent probablement. 

 

Un video-microscope dans son i-Phone : un laboratoire de biologie dans la poche du médecin? 

Au Cameroun, un ingénieux microscope relié à un smartphone a été testé avec succès chez des patients atteints par la « cécité des rivières », une maladie parasitaire. Une simple goutte de sang est analysée par un video-microscope intégré à un i-phone permettant au médecin de rechercher la présence d’un vers parasite dénommé Loa loa. 

Source: Jennifer Abassi.  iPhone–Based Device Helps Treat River Blindness JAMA. 2018;319(2):113. doi:10.1001/jama.2017.20077

 

La video ci-dessous nous montre le fonctionnement du video-microscope


 

 

Impression 3D: une technologie à fort potentiel innovant

L’impression 3D est une technologie à suivre. Le JAMA nous en rappelle la définition «  appelée aussi fabrication additive, elle consiste à fabriquer des objets en ajoutant les une sur les autres des couches de matériaux bruts, qu’il s’agisse de polymères, de métaux ou de cellules souches ». 

En 2015, déjà la FDA autorisait un anticonvulsivant, premier médicament produit pas impression 3D. La technique pourrait se déployer dans le domaine de l’organe de remplacement: valves cardiaques, prothèses de membres. Les hôpitaux pourraient eux-même produire ce dont ils ont besoin. Ceci a conduit la FDA à publier des recommandations destinées aux acteurs du secteur en janvier 2018. 

Source: Rebecca Voelker. Regulatory Pathway for 3D Printing JAMA. 2018;319(3):220. doi:10.1001/jama.2017.20643

 

La pilule connectée: avaler un espion?

Cette innovation a fait le « buzz » lors de sa publication. Le NEJM s'interroge: va-t-on faire avaler des espions aux patients? 

La « pilule connectée » assemble l’aripiprazole, une molécule utilisée dans le traitement de la schizophrénie et un « marqueur d’événement ingérable » c’est à dire un traceur. Il est activé lorsqu’il entre en contact avec le liquide gastrique. Le signal est transmis à un patch cutané porté au niveau de l’abdomen puis envoyé à une application smartphone qui relève aussi l’activité, l’humeur et la qualité des périodes de repos du patient. Cette technologie a déjà été utilisée dans plusieurs études cliniques d’évaluation de l’observance médicamenteuse et il est en projet de l’associer à d’autres traitements de maladies chroniques. 

Lisa Rosenbaum, auteure de l’article discute plusieurs questions de société liées à l'arrivée prochaine de ce nouveau venu dans la pharmacopée. Tout d'abord, elle met en parallèle le débat autour de cette pilule connectée et celui concernant l’enregistrement de données personnelles dans l'économie numérique qui se fait en général sans consentement . Elle note que ce n'est pas le cas avec le médicament connecté, puisque le consentement des personnes est obligatoire. 

Elle questionne ensuite notre relation à la non-observance. Elle insiste sur la nécessité de rechercher les causes de non-observance en consultation avant de faire intervenir une technologie de surveillance. Les effets secondaires qui génèrent de l’inconfort et poussent les malades à arrêter sont trop souvent négligés. Un exemple est la diarrhée provoquée par certains traitements. Mais, nous dit Lisa Rosenbaum, ceci ne se fait pas dans une consultation de 15 min. Il faut du temps médical… Selon elle, il faut avant tout donner au médecin et au patient suffisamment de temps pour échanger et explorer convenablement les causes de non-observance.

Source: L.Rosenbaum. Swallowing a spy. N Engl J Med 2018; 378:101-103 DOI: 10.1056/NEJMp1716206

 

 

 

TELEMEDECINE: LA PREMIÈRE ÉTUDE COMPARATIVE RÉALISÉE EN MÉDECINE GÉNÉRALE DANS LE SUIVI DE L’HYPERTENSION ARTÉRIELLE 

Le Lancet du 10 mars publie une vaste étude réalisée auprès de 142 médecins généralistes britanniques et incluant 1182 malades hypertendus. Les patients ont été divisés en 3 groupes : un groupe télésurveillance, un deuxième auto-surveillance et un troisième traitement conventionnel. 

Dans le groupe « conventionnel », le traitement anti hypertenseur était ajusté par le professionnel de santé après une mesure clinique. 

Dans les 2 groupes auto-surveillance, les patients mesuraient eux-mêmes leur pression artérielle 2 fois par jour la première semaine de chaque mois. Puis leur médecin généraliste modifiait le traitement si besoin, à réception du résultat.

Dans le groupe télé médecine, les participants envoyaient les mesures par un simple SMS à un site internet. Le système de télésurveillance incluait un algorithme qui  envoyait des alertes : contacter son médecin en urgence si forte variation des mesures, rappels si absence de transmission des données... Il calculait également automatiquement les moyennes de pression artérielle sur la période de mesure et établissait des graphiques. 

Les médecins relisaient les résultats des 2 groupes auto-mesures avec ou sans télé médecine chaque mois. Dans le groupe « conventionnel », il n’y avait pas de règle précise, les patients étaient vus aussi souvent que nécessaire. 

Quel fut le résultat de cette étude ? 

Après 12 mois, la pression artérielle était mieux contrôlée dans les 2 groupes auto-surveillance que dans le groupe conventionnel. Il n’y avait pas de différence significative entre les 2 groupes auto-surveillance. ( Pour mémoire, il y avait 2 groupes auto-surveillance, un avec télé médecin et un sans). 

Un résultat non significatif au plan statistique est intéressant à relever. A 6 mois, la pression artérielle était plus rapidement équilibrée dans le groupe telemedecine que dans le groupe auto surveillance seule. 

Que conclure de cette étude ?

Pour les auteurs, la seule conclusion qui puisse être retenue à la suite des résultats est que l’auto surveillance est plus efficace que le suivi conventionnel. Il vaudrait donc mieux enregistrer soi-même sa pression artérielle à domicile et communiquer les résultats à son médecin une fois par mois, les traitements étant alors modifiés à distance, plutôt que d’aller faire mesurer sa pression artérielle en consultation à intervalle régulier.

Les 2 modalités d’auto-surveillance avec ou sans télé médecine donnent le même résultat et ne peuvent être départagées. La télé médecine ne présente donc pas de bénéfice démontré même si elle semble apporter une accélération de la prise de décision à 6 mois. 

Source: Richard JMcManus Efficacy of self-monitored blood pressure, with or without telemonitoring, for titration of antihypertensive medication (TASMINH4): an unmasked randomised controlled trial Lancet 2018; 391: 949–59  http://dx.doi.org/10.1016/ S0140-6736(18)30309-X 

 

COMMENT S'ADAPTER A LA TRANSFORMATION NUMERIQUE DE LA SANTE? 

Cette question domine les publications de ces derniers mois. Plusieurs éditorialistes ou commentateurs reviennent sur les changements induits par les nouvelles technologies. Mais l’essentiel des articles est consacré à des mises en garde sur les risques potentiels. La confidentialité et le contrôle des données sont bien entendu au coeur des préoccupations. 

A la lecture de ces articles, notre sentiment est que la conception technologique reste, à ce jour, un élément extérieur au monde de la santé. Les objets du numérique investissent le marché en dehors des circuits habituels des réseaux de soins, mettant les professionnels de santé devant le fait accompli.

Réguler la révolution digitale

C'est ce que relève un éditorial du BMJ daté du 15 janvier 2018 qui constate que  la révolution digitale a déjà commencé. On observe en effet un afflux toujours plus important de produits numériques destiné à la santé. Il s'agit principalement d'applications mobiles et de dispositifs de surveillance connectés. Mais cette arrivée soudaine, combinée à l'absence de régulation officielle, provoque une méfiance de tous les acteurs : patients, médecins et fournisseurs. Pour les auteurs, l’enjeu est de réguler la santé digitale tout en créant un environnement propice à l’innovation.

Source: R Duggal Digital Healthcare: regulating the revolution BMJ 2018360 doi: https://doi.org/10.1136/bmj.k6

 

Faut-il créer une nouvelle spécialité, le médecin virtualiste?

C’est la question posée par 2 médecins new-yorkais. Cette proposition est basée sur la constatation que les innovations techniques des 50 dernières années ont complexifié la pratique médicale et imposé la création de nouvelles spécialités. 

Il en fut ainsi de la réanimation qui n’existait pas comme spécialité individualisée. Elle est devenue nécessaire lorsque les progrès techniques de la ventilation mécanique, du monitoring cardio-vasculaire et des interventions thérapeutiques dédiées à ces patients ont rendu indispensable l’existence de médecins qui consacraient leur exercice à ce domaine précis. 

Le médecin « virtualiste » serait donc celui dont l’essentiel du temps de travail est de soigner les patients au moyen d’un intermédiaire virtuel. La nécessité prochaine d’une compétence spécifique et d’une formation dédiée pour utiliser les moyens de médecine virtuelle justifierait la création de cette nouvelle spécialité. 

Source: M. Nochomovitz, Rahul Sharma. Is it time a new medical specialty? The medical virtualist. JAMA. 2018;319(5):437-438. doi:10.1001/jama.2017.17094

 

Ainsi se clôt le premier numéro de notre chronique. La veille bibliographique se poursuit sur médecine-et-robotique. Le numéro 2 paraîtra dans un délai de 3 à 6 mois en fonction de l'actualité technologique. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



11/04/2018
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