MEDECINE ET ROBOTIQUE

MEDECINE ET ROBOTIQUE

L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE DE WATSON PEUT-ELLE REMPLACER LES MEDECINS? (II)

Deuxième partie de notre article sur WATSON, le système d'intelligence artificielle d'IBM.

Les statistiques au cœur de la révolution de l'intelligence artificielle.

Les méthodes statistiques sont à la base des progrès actuels de l'intelligence artificielle. Depuis environ 10 ans, la puissance des ordinateurs s'est accrue autorisant des opérations mathématiques et des calculs de probabilités sur un très grand nombre de données et à très grande vitesse.

Pour analyser une question, Watson utilise une centaine d'algorithmes en même temps qui vont retrouver les documents contenant les mots recherchés. Un sujet est ainsi exploré dans plusieurs directions différentes. Cette première étape génère des centaines de réponses possibles. Un autre groupe d'algorithmes va ensuite les classer selon leur plausibilité: par exemple, si une douzaine d'algorithme parviennent à la même conclusion, il est le plus probable que ce soit la bonne réponse.

Le journaliste et vulgarisateur scientifique canadien Clive Thompson a résumé les mécanismes intimes de WATSON dans une grande enquête parue en 2010 dans le New York Times de la façon suivante. "WATSON pense en probabilités. Il ne produit pas une seule "bonne" réponse mais un grand nombre de possibilités puis les range en estimant la probabilité de chacune de répondre à la question".

 Un outil d'analyse du big data.

Watson est un formidable outil d'analyse du Big Data. Le big data, cette masse de données produite et accumulée par nos ordinateurs est une formidable opportunité mais aussi un gigantesque défi technologique. Il se caractérise non seulement par sa taille mais aussi par sa diversité: sources et formes multiple (écrit, audio, vidéo, graphiques...). Comment traiter dans un délai utile un tel volume d'information ?

L'une des principales difficultés est de distinguer l'information utile de celle qui ne l'est pas, ce que l'on appelle éliminer le "bruit de data". Pour extraire de la masse les données exploitables pour l'action quotidienne et la prise de décision, il faut trouver le moyen de les classer en fonction des sujets et des questions. La puissance de calcul et l'efficience de la méthode statistique de WATSON lui permettent de réaliser ce travail.

A quelle vitesse travaille WATSON?

Il est très rapide. Ainsi, Ying Chen, du centre de recherche IBM, donne l'exemple d'une recherche sur les gènes connus de la sclérose en plaque. En moins d'une minute, WATSON a analysé 24 millions de résumés, des centaines d'autres pages de documents et, au final, a trouvé 177 documents qui mentionnaient des gènes en relation avec la sclérose en plaque. De plus, la relation entre le gène et la sclérose en plaque est décrite, de sorte que le chercheur n'avait pas à lire les 177 références pour identifier la bonne réponse à sa question.

Quelle différence entre WATSON et un simple moteur de recherche?

En comparaison des technologies d'intelligence artificielle précédents, l'un des principaux progrès de WATSON est de pouvoir interpréter les verbes, les adjectifs et les prépositions. Cela permet au système de comprendre le sens des phrases. C'est une avancée technique importante par rapport à la simple reconnaissance des mots clefs pour rechercher des liens entre des mots isolés et un sujet.

 Quelle est la supériorité de WATSON par rapport à un cerveau humain?

Ying Chen, que nous avons cité plus haut, expose ainsi la comparaison entre WATSON et le cerveau humain. "Le cerveau humain présente 2 limitations importantes: l'échelle de traitement de l'information et les biais. C'est -à-dire que le cerveau humain est limité dans le volume de données qu'il peut analyser et qu'il interprète les données avec des biais. Le but des systèmes cognitifs comme WATSON est de manipuler de grands volumes de données sans biais. "

WATSON possède donc une capacité d'exhaustivité que nous ne possédons pas. En réalité, cette faiblesse apparente du cerveau humain est l'une de ses forces motrices fondamentales. En effet, les physiologistes estiment que l'essentiel de notre mémoire est probablement la mémoire négative. Ce processus dénommé "habituation" en anglais correspond à l'inhibition des circuits synaptiques pour des informations qu'il faut ignorer. Par exemple, le bruit environnant dans une conversation. Si le cerveau devait tout intégrer, il serait vite dépassé. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, la mémoire n'est  pas uniquement positive c'est à dire composée de la restitution d'expériences déjà vécues. L'exhaustivité n'est donc pas le propre de l'humanité et ne saurait l'être. Après le raisonnement statistique développé plus haut, nous venons ici de mettre en exergue une seconde distinction fondamentale entre intelligence artificielle et cerveau humain.

Les processus mentaux humains ne sont pas exhaustifs car ils ne traitent pas l'intégralité des informations sensorielles reçues mais sélectionnent le pertinent et le non pertinent. Cette fonction de sélection est très probablement l'un des fondements de la créativité et de la capacité d'invention de l'espèce humaine.

Certains spécialistes de l'intelligence artificielle prédisent un remplacement pur et simple de l'intelligence humaine. C'est certainement conclure un peu rapidement car l'exhaustivité qui caractérise l'IA est une force mais aussi une limite.

L'avenir tranchera ce débat, mais là n'est finalement pas l'essentiel. Les augures se révèlent fréquemment bien mal inspirés et se trompent souvent. Il me paraît beaucoup plus intéressant de se demander ce que nous pourrions faire avec un appareil du type de WATSON. Or, précisément, sa capacité d'analyse exhaustive nous permet de réaliser des tâches cognitives qui nous sont impossibles par notre nature même: décortiquer des millions de bits de données rapidement. De ce point de vue, je trouve que le terme "outthink" choisi par IBM pour décrire WATSON et que je pourrais traduire par " pensée extérieure" est bien choisi.

 

 

La troisième partie de cet article, à paraître courant février 2017, abordera l'utilisation de WATSON en médecine.

 



25/01/2017
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