MEDECINE ET ROBOTIQUE

MEDECINE ET ROBOTIQUE

REMPLACER LE TRAVAIL HUMAIN PAR DES ROBOTS? PAS SI SIMPLE

Retour sur Sedasys, le "robot anesthésiste" de Jonhson&Jonhson. L'exemple est emblématique. Conçu en opposition aux professionnels de l'anesthésie, il a connu un échec commercial retentissant aboutissant à son retrait du marché. Des professionnels de l'anesthésie analysent l'épisode dans la revue américaine Anesthesia/Analgesia. Une contribution riche d'enseignements dans le débat sur l'avenir de l'emploi. 

 

Sedasys est une machine capable d'administrer seule un médicament anesthésiant par voie intra-veineuse tout en assurant la surveillance des paramètres vitaux. En 2013, la Federal Drug Administration américaine délivrait une autorisation de mise sur le marché à destination des gastro-entérologues pour l'anesthésie des endoscopies digestives. La machine était annoncée capable de remplacer l'anesthésiste. Trois ans plus tard, Sedasys était retiré du marché pour échec commercial. 

Un échec prévisible. 

Echec de Sedasys: destinée ou mauvaise conception? s'interrogent les professeurs d'anesthésie B.Goudra et P. Mohinder Singh dans un article publié en février dernier dans la revue américaine Anaesthesia/Analgesia.  Ils attribuent le revers subi par le "robot anesthésiste" à trois défauts de conception.

Le premier est une erreur dans le choix du protocole d'anesthésie. La machine n'était pas programmée pour augmenter la dose de médicament anesthésique mais uniquement pour la diminuer en cas de surdosage. De sorte qu'en cas d'anesthésie trop légère,  le robot était bloqué. Il faut ajouter des temps d'attente programmés entre 2 injections de drogue anesthésique trop long, toutes les 3 min, alors que la plupart des procédures d'endoscopies digestives ne durent que 5 à 10 min. Certes, cette programmation permettait d'assurer la sécurité anesthésique mais elle n'était pas compatible avec une anesthésie de bonne qualité.

Le second défaut était aussi lié à la sécurité. Le robot était programmé pour délivrer une anesthésie dite légère à modérée. Or, le souhait des patients endormis pour une endoscopie digestive est de bénéficier d'une anesthésie profonde. Il existait donc d'emblée une discordance entre le souhait des patients et la prestation proposée.

La troisième erreur était la tentative d'évincer les anesthésistes. SEDASYS était un produit destiné aux gastro-entérologues, vendu pour remplacer totalement l'anesthésiste lors des procédures d'endoscopies digestives. L'équation était simple, le "robot anesthésiste" réduisait significativement le coût de l'anesthésie. L'intérêt financier de SEDASYS paraissait évident. Or, les gastro-entérologues ne sont pas formés pour gérer les complications de l'anesthésie générale. Ils ne pouvaient en assumer les responsabilités. Dès lors, l'appareil ne pouvait être programmé que pour une sédation légère qui ne donnait pas satisfaction aux patients. 

Qu'a-t-il manqué à SEDASYS pour emporter l'adhésion? 

Les 2 auteurs pointent la faiblesse des évaluations scientifiques préalables à la commercialisation. En 7 ans d'existence, dont 3 sur le marché, un seul essai clinique concernant SEDASYS a été publié! En l'absence de véritables études de terrain, le décalage entre le robot et la réalité hospitalière semblait inévitable. 

Un enseignement de portée générale

Les commentaires de B.Goudra et P. Mohinder Singh inspirent plusieurs réflexions.

Introduire un robot de service dans un milieu professionnel n'est pas le simple ajout d'un outil de travail nouveau à l'existant. Tous les observateurs s'accordent pour prédire de profonds changements d'habitude, voire de paradigme. Plus qu'une solution technique, le robot est un concept.

Il sera très difficile d'introduire des robots de service sans les avoir préalablement expérimentés dans des situations concrètes qui ne sont qu'un assemblage de détails maîtrisés des seuls professionnels de terrain. L'enjeu est d'apprendre à travailler avec le robot.

Bien que le propos soit tenu de façon péremptoire par beaucoup, remplacer des professionnels de santé par des robots n'est pas d'actualité, ni sur le plan technologique, ni sur le plan de l'organisation des soins, ni sur le plan des relations humaines.

La robotique de service peut être un atout formidable pour la santé. Le succès n'est cependant pas acquis d'avance. Il ne pourra se construire qu'avec les professionnels. 

 

Sur le même sujet, lire également:

ECHEC COMMERCIAL POUR SEDASYS, LE ROBOT ANESTHESISTE

 

Source: Goudra B, Singh PM. Failure of SEDASYS: destiny or poor design? Anesth Analg. 2017; 124: 686-687.

 

 

 



21/07/2017
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